En cette veille de premier tour d’élection présidentielle 2012, je souhaitais livrer une réflexion qui me taraude sur l’entrepreneur et son désir d’employer.
On dit souvent que l’innovation permettra aux pays occidentaux de conserver une avance sur les pays dits « en développement », cette innovation générant immanquablement de l’emploi.
Cette réflexion était vraie il y a quelques années, où les niveaux d’éducation étaient très nivelés entre ces pays, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
En outre, l’innovation entraîne t’elle réellement un accroissement de la masse salariale?
Si cela peut être débattu dans certains métiers, cela l’est beaucoup moins dans d’autres secteurs : la mécanisation des usines a déjà retiré bien des besoins en bras, l’informatisation des processus a fait perdre bien des analyses par des cerveaux humains, la webisation et le partage des données est en train de faire perdre bien des emplois de chercheurs et de créateurs de contenu. Tout cela sans parler de cette vilaine délocalisation…
En gros, tous ses process techniques permettent de faire plus vite et pour moins cher, qu’un être humain. Le mieux reste à débattre…
Mais plus précisément et sans vouloir entrer dans des débats à n’en plus finir, lorsque je me pose à moi-même cette question : « Fred, as-tu créé ta société pour offrir plein d’emplois et sauver la France », la réponse est non.
Mettons de côté le caractère patriotique et stérile de cette question, et regardons la facette « emploi ».
J’ai besoin de gens avec moi pour faire croître mon projet : car je n’ai pas la science infuse et qu’un homme seul ne peut pas nécessairement, dans une journée, faire et délivrer tout ce qu’il compte produire.
Ceci est un fait. J’ai donc besoin d’autrui, mais ce n’est pas non plus un désir ardent : c’est une obligation pour pérenniser la propre survie de mon entreprise.
Pourtant, j’ai très peu pensé à embaucher, j’ai préféré m’associer.
D’une part car cela dilue moins la trésorerie, même si cela dilue le capital. Mais surtout parce que je voulais impliquer réellement la personne à mes côtés : pas de notion d’heures, pas de débats sur le prix du ticket restaurant ou sur la mutuelle. On parle boulot, délivrabilité, Business Model , features, vision et autres débats entrepreneuriaux…
En gros, je voulais des miroirs de moi-même pour faire avancer le projet, une vision commune.
En outre, de toute façon, la trésorerie n’aurait jamais supporté un salaire quelconque à cette étape de l’entreprise.
Mais même sans parler du salaire et des charges salariales – qui sont un tout autre débat -, l’employé est de toute façon une chose qui semble faire peur aux entrepreneurs, web ou autres.
Au vu de ce que je lis – et de mon vécu et ressenti personnel – le but avéré de toute startup est de recréer un Instagram : une équipe de même pas 15 personnes, tous focus et axés à 100% sur leur produit, qui arrivent en même pas la moitié d’une décennie à se faire racheter pour un milliard de dollars. Le rêve absolu au vu des tweets et commentaires que l’on lit sur le sujet actuellement. Et c’est mon propre avis d’ailleurs!
Or, ce modèle va à l’encontre de la recherche du bien commun : voilà une équipe qui est riche, qui investira peut-être dans d’autres startups grâce à cet argent, mais pas dans l’idée de créer davantage d’emplois, mais bien de refaire le même coup!
En gros, l’emploi est un effet de bord qui est toléré, mais dans les faits, le but de toute entreprise web est de générer le plus de CA en ayant le moins de coût. Et l’être humain est nécessairement un coût, d’autant plus dans nos sociétés ultra assurées.
Ainsi, et lorsque je regarde autour de moi mon petit monde entrepreneurial web, je constate la même chose : l’emploi est vécu comme une étape importante, délicate, comme une source de stress, mais jamais comme un bonheur réel. Le fait d’employer d’autres êtres humains n’est pas source de bien-être, mais source de stress.
Parce que cela accroît les coûts, parce que l’on a peur de se tromper sur la personne embauchée et que les règles de licenciements sont si lourdes, parce qu’on a peur aussi de devoir le faire un jour et d’être mal perçu, d’être le vilain patron, alors même que l’entreprise coule ou reçoit moins de commandes.
Ainsi donc, côté « l’innovation crée des emplois », je crains qu’il ne faille pas trop regarder côté web : nous recherchons tous le process universel, délivrable sans coursiers ni points de vente, avec du contenu généré par nos utilisateurs, avec un maximum de process rapide et automatisé que l’humain ne vient pas ralentir par ses erreurs, sa lenteur et ses problèmes.
Et tout cela sans en vouloir pourtant à nos congénères. Nous leur souhaitons tous que du bonheur! Nous souhaiterions vraiment pouvoir tous les embaucher et être heureux avec eux si cela ne doit pas mettre en péril les recherches que je viens d’évoquer. Hélas, cela ne fonctionne pas comme cela.
Alors, et pour mettre mon grain de sel dans la politique en cette veille d’élection, je pense qu’il serait temps d’imaginer un monde où tout n’est que process informatique et machine, et où il faudrait pourtant que l’humain trouve sa place.
Pour rappel, ce monde a déjà existé autrefois! Il s’agissait de l’époque de la première démocratie à Athènes, où chaque citoyen avait droit de parole, mais surtout ses esclaves pour lui éviter de travailler.
No Comment